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Blog qui a pour objectif de parler de la littérature jeunesse, des écrivains jeunesse... pour donner le goût de lire aux adolescents. L'objectif est également d'intéresser à la culture. Il s'agit aussi de faire découvrir cette littérature à part entière aux adultes.

Rolande Causse et la Seconde Guerre Mondiale

Quatre des textes de Roland CAUSSE : Rouge Braise, Oradour la douleur, les enfants d’Izieu, Ita Rose ont pour cadre la seconde guerre mondiale. Ils abordent les thèmes de la résistance et de la Shoah.

 

Y-a-t-il une écriture particulière lorsque l’on aborde, pour les enfants, ce type de sujet ?

 

 

Non, il n’y a pas d’écriture particulière pour ces sujets. C’est le sujet qui entraîne l’écriture.
Rouge Braise est un roman autobiographique. C’est un livre à la mémoire de mon oncle.
L’écriture sous la forme d’un roman s’est imposée. J’avais raconté l’histoire de Georges à mes enfants et un jour dans une bibliothèque on m’a demandé l’histoire de mon enfance et me voilà partie à raconter …. J’ai vu les enfants tellement attentifs à ce récit que je me suis dit : « Oh! ,ça suffit maintenant tu l’écris ! » et c’est venu facilement. A cette époque, Thérèse et Grand Ma vivaient et n’avaient pas les mêmes souvenirs, je suis allée dans les bibliothèques et j’ai fait une recherche sur la vie quotidienne pendant la guerre dans l’Yonne et à Paris, sur la résistance et sur le maquis de mon oncle. Ces connaissances ont servi pour mes autres livres et aussi pour ma culture personnelle. Il a fallu ensuite lier ces recherches à l’écriture de façon à ce que l’on voit que ce n’était pas une leçon d’histoire. J’avais envie de faire un livre éloge à Georges, résistant de la première heure, un livre aussi d’amour à ce petit coin qui a été ma campagne d’enfance.

 

 

En ce qui concerne Les Enfants d’Izieu, le style a une raison. Un dimanche, un ami me dit : » Demain matin, tu devrais écouter une émission sur France Culture qui t’intéressera ». Le lundi matin, au lieu de travailler, je me permets d’écouter la radio et je tombe sur une émission d’ Antoine Spire sur l’ex maison d’Izieu. Je prends des notes et à un moment donné, Léon Reifman, le garçon à qui on a soufflé : « sauve toi » était dans l’émission et il a dit ce jour-là : « Pour tous ceux d’Izieu,  il n’y a pas de cimetière, pas de tombe, il n’y a pas de mémoire ». Ces paroles ont résonné en moi et j’ai pensé : »Pourquoi n’écrirai-je pas quelques pages ? » et j’ai commencé à raconter cette triste histoire sous la forme d’un poème, plus exactement en prose poétique.
C’est alors l’époque du procès de Klaus Barbie, je rencontre deux journalistes qui font un numéro spécial du Monde et je me documente. A partir de là, se posent dans ma tête tous les lieux : maison d’Izieu cache heureuse, Drancy l’insupportable attente et Auschwitz l’innommable. Après mes recherches, je reprends mon cahier et la forme du poème qui s’est naturellement imposée à moi. Depuis, j’ai rencontré à peu près 8000 enfants et la question se trouve souvent posée : » Pourquoi ne pas avoir écrit un roman ? »Je ne peux pas écrire un roman car j’ai trouvé la forme exacte qui est due à l’émotion que j’ai ressentie, émotion qui m’a fait écrire ce long poème. Quand j’analyse mon style, il me semble ressembler à celui du funambule qui marche sur un fil : il ne doit pas y avoir un mot de trop pour ne pas que le funambule tombe et que vous, lecteurs funambules, vous tombiez. Ce livre a fait l’objet de nombreuses rééditions, il a été donné en spectacles de théâtre par plusieurs compagnies et a également fait l’objet d’un opéra dont j’ai écrit le livret (qui est dans le livre).

 

Oradour la douleur est une commande. J’étais allée en hiver, c’était impressionnant, il y avait des corbeaux qui volaient. J’ai été bouleversée d’autant que je n’y étais jamais venue. J’avais alors écrit des poèmes que j’ai perdus. Un an après mon passage à Oradour, une bibliothécaire amie me téléphone et me dit que la directrice du mémorial voudrait faire un livre plus jeune, plus illustré que le gros livre qui existait alors. Avec Georges Lemoine, l’illustrateur, nous avons passé une semaine à Oradour. Nous avons rencontré des survivants et survivantes et j’ai eu l’impression extraordinaire d’être replongée en 1944, dans une sorte de bulle totalement fermée. Très rapidement la forme m’est venue, celle d’un roman. Devant le drame cependant, j’ai repris la forme du texte poétique car cette forme d’écriture dense s’impose quand l’émotion nous submerge. L’écriture a été tellement dense que j’en suis arrivée à ne pas ponctuer mon texte. Je souhaite montrer par la forme qu’il y a un moment où le souffle manque, c’est comme si on étouffait: donc la ponctuation disparaît. Quand on est face à un événement trop grave du domaine de la souffrance, de l’angoisse, de la mort, on ne peut plus faire de phrases, on est dans l’indicible. Oradour est un livre dont la forme est plus élaborée.

 

Ita- Rose est une autre aventure. Un jour, à Villeurbanne, j’étais venue faire un film avec des élèves de troisième sur mon livre Les Enfants d’Izieu. La documentaliste du collège me dit : » J’ai appris que deux petites filles, qui étaient à Izieu, Mina et Claudine ont un frère et il voudrait bien venir en parler. Est-ce que cela ne vous dérange pas ? »Evidemment, j’ai répondu qu’il pouvait venir. Il vint.et nous raconta l’histoire de sa famille. Bouleversée, je lui ai demandé si je pouvais écrire ce récit et il a accepté. Ma question au départ était celle du point de vue : choisirai-je le point de vue du fils ou de la mère, Alexandre ou Ita- Rose ? Les aventures de la mère se sont imposées. Je raconte sa vie le plus simplement possible avec précision, dans ses grandes lignes pour qu’on comprenne comment la grande Histoire peut briser une famille. Le style m’est venu dans la simplicité pour ne pas faire de « pathos », il y a eu trop de drames pour ces gens. Le destin d’Ita-Rose est incroyable et je n’ai pas du tout pensé aux enfants qui liraient l’album. Cette histoire m’a paru indispensable à écrire car elle cumule la résistance, les camps français, la Shoah, la traque de Klaus Barbie jusqu’en Bolivie et le témoignage contre ce chef de la Gestapo de Lyon qui a tué son époux, déporté son fils aîné et fait assassiner à Auschwitz ses deux petites filles. Pour finir en 1946 elle a appris que sa famille polonaise avait été victime de la Shoah par balles. Et en même temps cette volonté d’Ita- Rose de faire un jour la justice, de témoigner pour ces trois enfants et ce mari qu’on lui a volés.

Le lecteur aurait pitié de la femme qui pleure si c’était écrit et cette pitié lui enlèverait ses propres pleurs. Donc j’ai choisi une écriture minimaliste, une grande économie de mots et de métaphores.

Par ailleurs, la forme de l’album convient à ce texte puisque mon but était de faire un récit court et Gilles Rappaport voulait que j’écrive un texte pour lui. Il l’a illustré de superbe manière.

Avec Georges Lemoine, j’ai réalisé un récit-pièce de théâtre La Guerre de Robert qui conte l’histoire d’un enfant juif dont toute la famille a été déportée en 1942 et qui ne sera caché qu’à partir de février 1944.
 

Comment traite-t-on ces sujets historiques pour les enfants ? du point de vue de l’écriture ?

 

Entre transmission histoire et mémoire. J’ai eu un jour un débat avec Gilles Perraut (l’auteur du Pull over rouge). C’était un débat qui était très préparé sur le thème histoire- document/ histoire- fiction, poésie. Donc moi je défendais la fiction- poésie et on en est arrivé par gentillesse mutuelle à dire il est bien qu’il y ait de la poésie, de la fiction poétique, peut être pas qu’elle soit en premier, peut être faut-elle qu’elle soit en second. Il faut des explications et quand on a donné les bases, la fiction transmet mieux que tout document.
La transmission, c’est à dire : ça se passe à telle époque, il y a eu cela sur telle loi…Ensuite vient le livre, on le lit, après on en reparle et on s’en rappelle longtemps…

Freud le disait, et Lacan après lui au sujet du Ravissement de Lol V.Stein de Marguerite Duras : » l’art, la littérature nous enseigne, elle est avant la psychanalyse ».

On ne fait pas une œuvre d’art pour transmettre, ce qui est premier c’est le désir de l’écrire, l’amour, la tragédie, le besoin intérieur…

 

 

Source http://blogs.lecoleaujourdhui.com/litterature-jeunesse/2009/09/23/a-la-rencontre-de-rolande-causse/

 

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