Blog qui a pour objectif de parler de la littérature jeunesse, des écrivains jeunesse... pour donner le goût de lire aux adolescents. L'objectif est également d'intéresser à la culture. Il s'agit aussi de faire découvrir cette littérature à part entière aux adultes.
Écrire pour la jeunesse en France et en Allemagne dans l’entre-deux-guerres : un ouvrage de Mathilde Lévêque qui apporte des arguments opposables à l’idée d’un marasme éditorial en la matière.
Mathilde Lévêque, sous le titre Écrire pour la jeunesse en France et en Allemagne dans l’entre-deux-guerres, publie une version remaniée de sa thèse intitulée Le renouveau du roman et du récit pour la jeunesse en France et en Allemagne pendant l'entre-deux-guerres : modernité et écriture narrative. L’ouvrage, préfacé par Isabelle Nières-Chevrel, montre que les livres pour la jeunesse circulent entre la France et l’Allemagne ; les écrivains dialoguent en particulier autour des idées véhiculées par l’utopie sociale (à travers le communisme mais pas seulement) et le pacifisme. Aux éditions Sociales Internationales (aux mains des responsables communistes français), la collection de livre de littérature de jeunesse Mon Camarade , liée au journal pour les enfants éponyme (animé par Georges Sadoul) , propose des traductions d’ouvrage parus outre-Rhin : Ce que disent les amis du Petit Pierre, suivi de La Muraille magique, Les Trois amis, Le Cheval de fiacre, Le Pont par Hermynia zur Mühlen, Hans et son Lièvre enchanté de Lisa Tetzner, Émile et les détectives sous la plume de l’auteur phare dans l’univers germanique de la littérature de jeunesse des années vingt E. Kaestner (une première version française de ce dernier titre avait paru auparavant chez Stock) . En Allemagne sont transcrits dans la langue de Goethe Trois petits enfants bleus de Geneviève Fauconnier, La Colonie de Charles Vildrac, Jean-sans-Pain par Paul Vaillant Couturier, Patapoufs et Filifers par André Maurois. Mathilde Lévêque montre à travers l’étude d’une trentaine de titres produits par une dizaine d’auteurs de chaque nationalité, comment convergent certaines thématiques en prise avec un regard nouveau porté sur l’enfance des deux côtés du Rhin. Il existe des points communs dans la modernité des choix littéraires et graphiques. Outre les auteurs déjà cités, l’étude se penche sur des écrivains germaniques comme Kurt Held (Zora la Rousse), Carl Dantz (Peter Stoll, ein Kinderleben, von ihm selbst erzählt), Wolf Durian (Kai aus der Kiste. Ein ganz unglaubliche Geschichte, traduction française : Kai, roi de la pub), Erika Mann (Stoffel fliegt übers Meer, traduction française Petit Christophe et son dirigeable), Erika Mann (Muck der Zauberonkel, A gang of ten), Ruth Rewald (Sonne und Regen im Kinderland, Müllerstrasse, Jungens von heute,Janko, der Junge aus Mexiko, Vier spanische Jungen). Les autres auteurs hexagonaux présents sont Colette Vivier (La maison des petits bonheurs) , Claude Aveline (Baba Diène et Morceau-de-Sucre, considéré comme le premier roman pour enfants à tonalité anticoloniale), Marcel Aymé (Les contes du Chat Perché), Léopold Chauveau (Les cures merveilleuses du docteur Popotame qui remet en cause la supériorité autoproclamé des blancs sur les populations noires), Marie Colmont (Rossignol des neiges), René Duchateau pseudonyme de Georges Sadoul (Le mystère du serpent à plumes), Georges Duhamel (Les Jumeaux de Vallangoujard), Nanine Gruner (Isabelle et la porte jaune), François Mauriac ( Le Drôle ). Des informations sur certains auteurs comme celle que Colette Vivier ait collaboré à Mon Camarade explique mieux la genèse de son œuvre et l’attribution du Prix Jeunesse qui lui fut décerné en 1939. Marc Soriano, dans son Guide de littérature pour la jeunesse, soulignait que les idées reçues voulaient que la littérature de jeunesse francophone de l’entre-deux-guerres soit marquée par une baisse de qualité et il souhaitait voir réviser ce jugement. C’est le cas pour la presse des jeunes qui voient ses titres fort réduits, qui garde des dessinateurs déjà fort connus avant 1914 et à qui les éditeurs imposent une interdiction de l’usage de la bulle jusqu’à l’arrivée du Journal de Mickey dont le succès force les périodiques à évoluer s’ils ne veulent pas disparaître. Une meilleure connaissance des livres de bibliothèque (comme Mathilde Lévêque le fait ici) et des romans scolaires (grâce en particulier à certaines études publiées dans le numéro 29 des Cahiers robinson) ne pourra que répondre au désir exprimé, voici près de quarante ans, par un des pionniers de la recherche universitaire en matière de littérature de jeunesse. D’autre part la connaissance apportée aux lecteurs sur la littérature de jeunesse allemande, non empreinte de l’idéologie nazie, est précieuse ; elle suscitera l’acquisition par des CDI de la version originale de certains ouvrages et la redécouverte de titres traduits leur évitant un désherbage intempestif (ainsi par méconnaissance de son intérêt dans une médiathèque d’une ville moyenne de l’Ouest l’exemplaire en très bon état de Zora la Rousse a disparu fin 2010).
Marci à Alain Chiron pour cette information.
LÉVÊQUE, Mathilde. Écrire pour la jeunesse en France et en Allemagne dans l’entre-deux-guerres. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2011. 16 euros.